Journée d’études AIRDF
Avec pour titre « Traces et productions écrites au primaire », cette journée d’études, qui se déroule le 9 février 2023 sur le site de Bienne de la HEP-BEJUNE, se penche sur les écrits des élèves, qu’ils soient à l’aube de leur scolarité ou ayant déjà des pratiques scolaires de quelques années. Elle questionne le rôle de chacun des partenaires de cette situation : qu’il s’agisse de l’élève face à des normes complémentaires et néanmoins différentes ou de l’enseignant·e empreint·e de représentations des normes linguistiques, sociétales, qui se révèlent parfois un frein à un partage du rôle de scripteur. Elle visibilise les pratiques de formations et scrute « de l’intérieur » l’apprentissage de l’écriture.
Cette manifestation est organisée par la Haute École Pédagogique BEJUNE en étroite collaboration avec l’Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français (AIRDF) et la HEP Vaud. Avec le soutien de la Société suisse pour la recherche en éducation ainsi que de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales
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Bon à savoir : le délai d'inscription est prolongé jusqu'au 16 janvier 2023.
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Descriptif complet de la journée d’études
Traces et productions écrites au primaire : régulation en classe, représentations enseignantes, dispositifs de formation, apprentissage des élèves
Lorsqu’on se propose d’aborder les traces et les productions écrites d’élèves, cela implique de questionner d’une part une activité complexe et d’autre part une sémiose (ou ergonomie) résultant de cette activité. Ces deux versants sont eux-mêmes nourris de multiples composantes, telles que le geste graphique, l’espace du tracé, la langue, le contexte énonciatif, le genre de texte, les usages scolaires, littéraires ou sociaux de l’écriture (Plane & Schneuwly, 2000). L’activité de production d’un texte est, selon Plane, Alamargot et Lebrave (2010), « une activité de résolution de problème supposant la gestion simultanée d’un ensemble de contraintes » (p. 14) liée à la situation de communication, au code linguistique, à l’exécution physique du message. La trace consiste pour sa part en une résultante écrite (éventuellement plurisémiotique) d’une activité langagière située (où, quand, qui, pour quoi ?), formant une unité de sens pour le producteur et/ou le récepteur de cette matérialité.
Par ailleurs, il semble inévitable de consacrer une réflexion aux différentes temporalités qui cadrent et qui font naître la trace et la production écrites : il y a un « avant » qui induit l’idée d’une projection énonciative, un « pendant » qui doit considérer les contraintes d’une production textuelle en train de se faire et sans cesse renégociée, un « après » permettant sans doute au produit d’exister en dehors de son auteur. Dans leur récent article, Coulange, Kerwyn et Plissonneau (2019) proposent un découpage caractérisant cinq opérations qui entrent en jeu pour que l’écrit visé soit produit : la planification, l’avant-texte, le brouillon, l’écrit intermédiaire et la préparation de l’écriture.
Sur le plan didactique émergent, à partir de ces considérations, une grande diversité d’interrogations. Elles concernent ici principalement l’activité de production dans ses phases de préparation et de réalisation. Ces interrogations se regroupent en quatre catégories :
- l’un des enjeux posés par l’enseignement-apprentissage de la production écrite au primaire concerne la régulation par les enseignant·e·s, médiateurs et médiatrices des usages sociaux et scolaires de l’écrit. Assujettis par leur mission à l’obligation, dans le Plan d’études romand notamment, d’intégrer la production écrite comme objet d’enseignement (Gagnon & Dolz, 2018), et donc à des normes (gestuelles, orthographiques, sémantiques, énonciatives,…), ils et elles doivent à leur tour les transmettre et les partager avec les élèves. Les rétroactions par les enseignant·e·s sont étudiées (par exemple De Croix, Ledur & Pénillon, 2020) ; la question du retour sur les écrits des élèves est explorée (David, Doquet & Rinck, 2018) ;
- en amont, les représentations des enseignant·e·s, comme des stagiaires en formation, peuvent peser sur la posture accordée à l’élève d’être scripteur, qu’il soit débutant (Batlle-Bourhis, 2020 ; Plane, 2013 ; Riat & Groothuis, 2017) ou expérimenté ;
- dans les formations, divers dispositifs sont mis en place ou mobilisés, comme par exemple l’atelier dirigé d’écriture (Bucheton & Soulé, 2009), la dictée à l’adulte dans différentes variantes (Hindrycks, Lenoir & Nyssen, 2002 ; Thévenaz-Christen, 2012 ; Groothuis, 2013 ; Le Moal & Soler, 2016 ; Tabourdeau, 2016) ou encore à l’attention des étudiant·e·s l’atelier d’écriture en formation initiale (Panchout-Dubois & Frossard, 2020) contribuant à offrir des espaces pour rendre possible l’exploration des normes de l’écrit et des types d’écriture codifiées (Blanc & Varga, 2006) ;
- devenir un scripteur expert s’apprend-il ? Par quel cheminement l’élève passe-t-il et quel est l’accompagnement de l’enseignant·e ? Car guider un scripteur expérimenté n’est certainement pas similaire à l’étayage d’un lecteur-scripteur débutant qui s’engage dans des productions de types écriture avant la lettre, écriture émergente provisoire, débutante, tâtonnée, d’orthographes approchées (De Croix, Ledur, & Pénillon, 2020 ; Ferreiro, 2000 ; Saada-Robert et al. 2003 ; Doquet, 2011 ; Montesinos-Gelet & Morin, 2006 ; Bachelé & Kerwyn, 2020 ; David & Fraquet, 2012).
Conférences et présentation
Séverine De Croix, UCLouvain et Haute École Léonard de Vinci (BE)
Accompagner le travail d’écriture des élèves de la maternelle au début de l’enseignement primaire : le rôle des écrits intermédiaires partagés et des gestes de rétroaction des enseignant·e·s
Les dispositifs tels que les ateliers d’écriture, les cercles d’auteur·e·s, les séquences structurées sur la production de texte sont construits sur la même idée que la valorisation du processus d’écriture, et pas seulement le produit fini, est source de développement (Kervyn, Dreyfus et Brissaud, 2019). Enseigner à apprendre à écrire, c’est accompagner les apprentis scripteurs dans leur gestion, leur construction, leur contrôle, leur évaluation de leurs énoncés successifs. Dans cet apprentissage, le collectif occupe une place centrale. À partir des résultats d’une recherche collaborative consacrée à la pratique de l’atelier dirigé d’écriture (Bucheton & Soulé, 2009) en 3e maternelle, 1re et 2e primaires, le rôle du collectif et des interactions dans la production et les transformations des écrits intermédiaires fait l’objet d’un examen. Quelles formes spécifiques d’étayage s’observent à l’occasion du travail sur les écrits intermédiaires partagés ? En particulier, quelles rétroactions les enseignant·e·s adressent-ils aux apprentis scripteurs, avec quelles intentions didactiques et quels effets ?
Jacques David, CY Cergy Paris Université
Produire des écrits en primaire : modalités langagières et temporalités didactiques
Les recherches à l’origine de la communication s’appuient sur un double corpus d’écrits et d’explications métagraphiques produits par de jeunes apprentis-scripteurs (David & Morin, éds, 2008), allant du préscolaire (4-5 ans) au début de l’école élémentaire (9 ans). Ces corpus conjoints associent les écrits inscrits par les élèves et les verbalisations qu’ils énoncent en termes de procédures langagières, appliquées soit sur les erreurs et variantes observées, soit sur les formes normées (Jaffré 1995 ; David & Morin 2008). Le protocole appliqué au recueil de ces deux corpus permet : 1) l’étude précise des habiletés langagières et des fonctionnements cognitifs des élèves (Fayol & Jaffré 2008) ; 2) l’élaboration d’un dispositif didactique privilégiant des interactions d’apprentissage entre les élèves et avec leur enseignant (Montésinos-Gelet & Morin 2006).
Claire Detcheverry, HEP Vaud
La production écrite dans les nouveaux moyens d’enseignement romands
Cette présentation questionne les grands axes de la journée par l’analyse des nouveaux moyens d’enseignement (NMER).
Des premiers aux derniers degrés du primaire, une première analyse est effectuée de la continuité des dispositifs d’enseignement de la production écrite dans les NMER. Une typologie est notamment proposée des situations d’enseignement en observant comment se réalisent les usages scolaires et /ou sociaux de l’écrit.
Puis à la lecture des quatre types d’enseignement proposés par le portail de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), les nouveaux moyens romands font l’objet d’une observation pour savoir dans quelle mesure ils s’emparent de la notion de processus de rédaction et proposent une planification en plusieurs temps de l’activité d’écriture.
Enfin, les différents rôles de l’adulte, ses rétroactions au fil de la temporalité de l’activité d’une part et au fil du cycle primaire d’autre part, sont passés en revue. La présentation rend compte également des représentations de la posture accordée à l’élève scripteur qui émerge des premiers retours des enseignant·e·s formateurs et formatrices F2.
Ateliers pratiques
Véronique Bourhis, CYCergy Paris Université
De la conception à la révision du texte : s’appuyer sur un déjà-là ?
Cet atelier, centré sur les pratiques de classes à l’école primaire en production d’écrit, s’appuie sur les représentations et les pratiques des enseignant·e·s ou des stagiaires en formation. Il a pour objectif de questionner différents protocoles de production d’écrit en classe et d’étudier l’action / la transformation opérée par l’élève lorsqu’il intervient sur une base langagière, orale ou écrite, pour écrire. Il interroge également la manière de travailler la dimension métalangagière en s’intéressant à l’action conjointe de l’enseignant·e et de l’élève afin d’activer les connaissances préalables qui permettent la production. Le déjà-là est envisagé selon ces deux points de vue.
Concrètement, l’observation et l’analyse de productions d’écrits de natures différentes permettent aux participant·e·s d’approfondir ou de confronter leurs connaissances théoriques et d’enrichir leurs pratiques concernant la production d’écrits du cycle 1 au cycle 2. Ils seront susceptibles de modifier leurs représentations initiales en expérimentant, au-delà des moyens officiels, d’autres pratiques d’écriture en lien avec le Plan d’études romand, et donc d'élargir leur répertoire de pratiques ou de diversifier leur corpus de référence.
Martine Brêchet, HEP-BEJUNE
L’évaluation de productions écrites au service de la différenciation pédagogique
Sont présentées ici des activités de formation qui visent l’acquisition ou l’ajustement de savoirs conceptuels et le développement de compétences professionnelles concernant l’évaluation et la différenciation de l’apprentissage. L’atelier montre l’importance de la priorisation des objectifs d’apprentissage et propose de s’arrêter sur certaines formes de différenciation pédagogiques à partir de l’analyse de traces d’élèves, à effectuer avant, pendant et après l’enseignement.
C’est ainsi l’occasion de répondre à des questions du type : le ou la futur·e enseignant·e, par l’analyse de ses propres productions, de celles de ses pairs et de textes d’élèves, dépasse-t-il ou elle sa pratique intuitive de la langue ? Comment s’assurer de l’acquisition par le ou la futur·e enseignant·e des ressources et compétences nécessaires à l’enseignement de la production écrite ?
Catherine Tobola Couchepin, HEP Valais
Soutenir les élèves confrontés à la production écrite par les régulations interactives
L’objectif de cet atelier est d’identifier et de questionner les régulations interactives mises en œuvre dans les classes afin de favoriser le dépassement des difficultés rencontrées par les élèves confrontés à la rédaction de textes.
Les participant·e·s à l’atelier sont immergés en équipe dans une réflexion participative qui les conduit à la découverte de résultats de recherche qui pointent les pratiques efficaces :
- l’importance d’outiller les élèves par des aide-mémoires ou des guides de production, notamment ;
- la nécessité d’impliquer les apprenant·e·s dans la construction et la prise en main des outils ;
- l’intérêt des régulations interactives qui soutiennent des débats réflexifs sur les obstacles rencontrés par les élèves.
Des exemples concrets issus de différents degrés de la scolarité sont apportés. Leur analyse permet aux participant·e·s de questionner les difficultés rencontrées par les élèves et d’identifier les régulations interactives mises en œuvre qui soutiennent leur dépassement. Finalement, la réflexion est ouverte quant à la mise en place de ces pratiques dans les classes.
Table ronde
Le dispositif de dictée à l’adulte : apports, bénéfices, points sensibles et d’ajustement
Sandrine Aeby et Glais Cordeiro, Université de Genève
Gilles Tabourdeau, Université de Poitiers
Ludivine Sauget, HEP-BEJUNE, École primaire, Alle
Dylan Vermot, HEP-BEJUNE et École primaire, La Chaux-de-Fonds